Il y a 3 siècles, déjà on confinait, on attestait... La preuve avec cette attestation de déplacement datée du 4 novembre 1720, partagée sur Twitter par Jérémie Ferrer-Bartomeu, docteur en histoire, diplômé de l'École des Chartes et enseignant-chercheur à l'université de Neuchâtel en Suisse.
Cette attestation autorise le déplacement d'un certain Alexandre Coulomb, consul de 28 ans " de taille médiocre [ordinaire, NDLR] et aux cheveux châtains ", à quitter sa localité de Remoulins " où il n'y a aucun soupçon de mal contagieux " pour se rendre à Blauzac dans le Gard.
Une terrible épidémie de peste touche Marseille en 1720. A l'époque, alors que la peste sévit depuis le VIème siècle autour de la Méditerranée, un système de patentes permet de contrôler les navires à l'entrée du port de Marseille. La ville est dotée d'une organisation sanitaire complexe. Son bureau de santé permet d'identifier et d'isoler hommes et marchandises suspects. La cité phocéenne se sent alors protégée.
Malheureusement, suite à une série de négligences, un navire, le Grand-Saint-Antoine, se voit autoriser à débarquer ses cales pleine de soieries alors que sept matelots et le chirurgien de bord ont péri en route. Malgré ces décès inexpliqués, le Grand Saint-Antoine échappe à la quarantaine en cette fin du mois de mai 1720. La peste débarque sur le Vieux-Port. Et en quelques semaines le fléau se répand dans la ville en semant la terreur sur son passage. Les charniers de la cité débordent très vite de cadavres. En quatre mois, toute la Provence est touchée.
Alors, trop tardivement, les échevins prennent des mesures : évacuation des cadavres et des malades, maisons scellées, isolement… Les élites, elles, s'éloignent de la cité maudite. Drôle de similitudes avec l'époque actuelle. Le 31 juillet, un arrêt du parlement d'Aix-en-Provence ordonne le confinement de la ville à l'intérieur de ses remparts. Plus personne ne peut la quitter. Début août, il meurt 50 personnes par jour. Les premiers tombereaux apparaissent. Bientôt, on compte 100 décès quotidiens, puis 300, 500, 1000 !
Quatre mois après le retour à Marseille du Grand-Saint-Antoine, le 14 septembre 1720, un arrêt du Conseil d'Etat interdit de quitter la ville sans certificat sanitaire. Le quart de l'armée française est envoyé pour établir un cordon sanitaire. Mais la barrière n'est pas étanche et le fléau atteint Aix, Arles, Toulon puis Apt. Toute la Provence est touchée. 120 000 malheureux de la région perdront la vie.